Benjamin Flouw

Entre nature et texture

| Après un passage dans l’animation, Benjamin est aujourd’hui illustrateur. Dans son dessin il aime mettre en valeur la nature et les animaux par des formes épurées à main levée, un travail de texture et des lumières chaleureuses. C’est depuis sa maison marseillaise où il est maintenant installé depuis 4 ans qu’il joue le jeu de l’interview.

Salut Benjamin, comment es-tu arrivé dans l’illustration ? 

Je dessine depuis tout petit. Puis j’ai mis ça en pause, ce n’était pas très sérieux. À la fin du lycée c’est revenu plus fort. J’avais toujours un peu de temps après les épreuves du bac. C’était l’explosion des blogs BD. Je me suis orienté vers l’anim à Supinfocom à Arles. Puis lorsque j’en ai eu marre de faire de l’anim, je suis passé à l’illustration. J’ai l’impression qu’il y a un peu deux parcours. Ceux qui viennent de l’anim directement et ceux qui viennent des beaux-arts ou d’école d’illustration. Il y a quelque chose de plus cinématographique dans les profils anim et quelque chose de plus expérimental dans les profils beaux-arts.

« Il n’y a pas un moment où je me dis : ah, c’est mon style, je m’arrête là et je fais tout le temps ça. C’est comme une grammaire graphique. Certains éléments restent et d’autres changent »

Benjamin Flouw parle de l’évolution de son style graphique

Comment as-tu trouvé ton style ? 

Après mes études, j’ai commencé à poster sur internet. Je voyais qu’il y avait plus ou moins de réaction en fonction des dessins que je postais. Le style s’est affiné comme ça. Le style que j’avais il y a 6, 7 ans quand j’ai fait mes premiers boulots en illu n’est pas du tout le même que celui que j’ai maintenant. Même celui d’il y a 3,4 ans, tu vois que c’est une évolution permanente. Il n’y a pas un moment où je me dis “ ah, c’est mon style, je m’arrête là et je fais tout le temps ça”. C’est comme une grammaire graphique. Certains éléments restent et d’autres changent parce que la demande des clients évolue aussi, parce que nos goûts évoluent. Cela change tout le temps. Il faut garder un temps dans son travail pour faire des projets personnels, sans attentes du client. Cela permet d’expérimenter des choses et voir ce qui marche. On peut toujours ajouter des éléments de langage, des nouveaux systèmes que l’on peut utiliser pour des projets professionnels. Parfois, je fais des projets persos et il faut un an avant qu’un client me demande quelque chose dans ce style mais ça finit toujours par arriver. Je leur demande toujours de se référer à ce que j’ai fait pour ne pas qu’ils me demandent ce que j’ai fait il y a dix ans. Au début quand j’ai commencé, je faisais des personnages rigolos en aspect « low-poly » et ça n’avait rien à voir avec ce que je fais aujourd’hui.

Illustration pour Paloma, festival de musique à Nîmes

Qui sont tes clients aujourd’hui ? 

Je travaille encore pas mal pour le dessin animé dans les décors et la direction artistique. Ce n’est pas ce que je montre le plus sur les réseaux. C’est un dessin qui me ressemble mais qui ne m’est pas propre car on travaille souvent en équipe. Cela reste une grosse partie de mon activité. À côté de ça, j’ai les livres qui sont des projets passion, qui prennent pas mal de temps, qui sont moins bien payés mais satisfaisants à réaliser. Il y a aussi de temps en temps l’illustration éditoriale pour les magazines, les couvertures de livre et l’illustration pour les entreprises également. Je travaille sur mes propres livres que j’écris et que j’illustre mais je réalise aussi des couvertures pour des auteurs comme Philippe Djian chez J’ai Lu ou Copain des bois, Copain des mers. J’ai mon éditeur chouchou qui est La pastèque. Ce sont eux qui m’ont mis le pied à l’étrier, qui m’ont fait confiance dès le début et avec qui je m’entends très bien. Et je travaille aussi avec Milan Jeunesse, Gallimard, Thierry Magnier. Souvent on me propose des projets et je dis non ou j’en propose un autre. Pour le livre Grandiose par exemple, l’éditeur voulait faire un livre sur les gros engins, les grosses machines. Je leur ai dit “c’est pas trop mon truc mais le jour où vous voulez faire un livre sur les grands animaux, les grands arbres, ça c’est plutôt ma came”. Ils ont accepté de changer le projet. Ils m’ont fait confiance et j’ai écrit l’histoire. 

Le livre, ça ne paie pas énormément à moins que ce soit un best-seller. Il y a donc deux solutions possibles. Soit tu choisis de faire énormément de livres jeunesse dans l’année, soit tu en fais peu, tu les fais bien en les prenant comme des projets persos mais avec des bénéfices possibles. Je fais plutôt ce choix-là avec un livre par an, max 2. Je reçois entre 1 à 3 propositions par mois et je les refuse presque toutes. Il me faut un temps hallucinant pour faire un livre. Avec les avances souvent proposées par les éditeurs, ce n’est pas viable.

« L’illustration c’est un métier qui est mal compris en France. Quand tu dis – je suis illustrateur, en France on te dit – quoi, t’es graphiste ?, – non, je suis illustrateur, – ah, tu fais de la BD alors ?, – non, je suis illustrateur »

Benjamin Flouw au sujet de la perception de l’illustration en France

Comment as-tu trouvé tes premiers clients ? Comment s’est passé le passage de l’anim à l’illustration ?

C’était il n’y a pas si longtemps mais c’était une autre époque. Je me suis mis à poster des choses sur les plateformes Tumblr et Behance. Instagram n’était pas encore très installé à ce moment. Pas mal de personnes ont commencé à me suivre sur ces deux réseaux et j’ai eu mes premiers clients en illustration par là. Je n’ai jamais vraiment démarché. J’ai essayé mais il y avait trop peu de retour. Comme j’ai des copains qui travaillent dans l’animation, dans des boîtes de pubs, ça arrive qu’ils me recommandent pour du boulot de design. C’est pas mal de réseau. J’ai aussi deux agents Pocko et Tiphaine, qui me représentent et qui m’aident à accéder à des plus gros projets et des plus gros budgets. C’est souvent des clients qui ne viennent pas chercher un artiste directement mais qui demandent à l’agent de leur recommander un artiste. C’est une autre démarche.

Agent ou pas agent ? 

Je pense qu’il ne faut pas attendre d’un agent qu’il te trouve du travail. C’est assez minime finalement. L’intérêt c’est que lorsqu’un gros projet tombe, l’agent négocie le projet pour toi et peut dire combien valent tes dessins et les vendre. Si c’est un gros client qui utilise ton illustration sur les réseaux, en print, pendant tant de temps, sur tel territoire, on n’est pas formé en tant qu’illustrateur pour savoir combien ça vaut. C’est le rôle de l’agent. Pour moi c’est un peu comme le comptable qui t’accompagne sur un sujet sur lequel tu n’es pas bon. Un agent prend 30% de commission pour ton travail en général mais ça vaut le coup souvent. Il faut en avoir besoin. Pour une personne qui travaille dans l’éditorial ou dans l’édition, cela n’a pas d’intérêt. C’est surtout pour les gros budgets pubs, packaging. Quand je sens qu’il y a un peu de budget, je le transmets à mon agent. Cela reste rare que je travaille avec les agents. C’est 2, 3 fois par an. Cela dépend du contrat que l’on a avec lui. Dans certains cas tous les projets sur le territoire de l’agent doivent passer par lui, dans d’autres cas c’est seulement les projets que l’agent apporte. Après on peut en discuter. Quand ce sont des petits projets, ils peuvent le laisser. C’est toujours mieux d’être représenté par un agent qui connaît bien le territoire. Avoir un agent anglais qui te représente aux États-Unis par exemple, ce n’est pas une bonne idée. Quand je dois gérer moi-même, j’ai des repères que je tire de mon expérience avec un tarif jour/homme que je peux parfois augmenter un peu quand je sens que le client peut suivre. Il n’y a pas de grille qui existe. Les grilles qui existent ne sont pas très réalistes. Elles te disent ton tarif de base + 50% si le travail est utilisé dans le monde, + 300% si c’est utilisé sans date définie. Un petit client qui n’a aucune conscience des réalités des droits d’utilisation ne va pas pouvoir suivre les prix. Et tu peux te retrouver un peu con car tu aurais bien aimé travailler avec lui. Si le projet paie suffisamment mais ne prend pas en compte tous les droits d’utilisation mais vient fortement enrichir ton porfolio avec quelque chose que tu n’as jamais fait, tu peux trouver un compromis. Tu peux proposer des droits pas chers pour les premières années et augmenter un peu pour les années suivantes par exemple. Dans tous les cas, il ne faut pas se brader. Parfois il y a des projets sans trop de budget mais tu n’as pas forcément de boulot à ce moment. Est-ce que tu gardes tes principes tarifaires ou est-ce que tu travailles ? C’est toujours plus intéressant de se lancer sur un projet perso dans ces moments-là.

Quel est l’arbitrage que tu fais lors de l’acceptation ou non d’un projet ?

Il faut mettre un ordre de priorité pour les projets entre l’avancée de la carrière, l’entrée d’argent, le fun. Il faut au moins que les deux premiers soient ok. Quand la carrière est bien lancée, tu peux te permettre de mettre le fun devant, puis l’argent et enfin l’avancée de la carrière. La ligne artistique de ton travail est quelque chose qui ne doit même pas entrer en compte, c’est non négociable. Toi t’as ton portfolio, tes œuvres en référence et si ton client t’emmène quelque part ailleurs ça ne passe pas. S’il veut autre chose, il peut faire appel à un autre illustrateur. Après, il faut être en confiance pour imposer ce cadre-là. Pour l’illustrateur, il y a un équilibre délicat à trouver entre l’artisan qui exerce un savoir-faire et l’artiste qui défend un style. Il faut apporter les deux au même niveau pour le client. Tu n’es pas un graphiste qui fait de l’exécution. Il faut parfois le rappeler au client. Il n’a pas toujours l’éducation pour percevoir la différence entre deux styles. Il faut un peu jouer des coudes. C’est important de proposer quelque chose de consistant dans son porfolio avec la même logique, le même langage d’un bout à l’autre. S’il y a des choses qui datent un peu trop, influencées par un style d’un autre artiste, que l’on assume plus, autant le virer. Il vaut mieux avoir trois pièces qui montrent là où l’on va qu’avoir beaucoup de choses que l’on assume moyennement.

« Pour l’illustrateur, il y a un équilibre délicat à trouver entre l’artisan qui exerce un savoir-faire et l’artiste qui défend un style »

Benjamin Flouw explique les facettes du métier d’illustrateur

Si tu pouvais travailler avec n’importe qui, avec qui voudrais-tu travailler ? 

Je n’ai pas beaucoup d’idée. J’aime assez mon indépendance. Dans mon travail il y a toujours un peu le côté conscience environnementale, rapport à la nature. Si je devais faire un projet commercial avec une marque, ce serait Patagonia, pour l’ampleur du projet et les valeurs qu’ils portent. Après je préfère toujours mes projets personnels (rire). Si, peut-être les affiches de concerts des groupes que j’aime : punk, hardcore, jazz… Quand je vois un super groupe qui passe dans une salle à côté de chez moi, je me dis “putain, t’aurais pu leur faire un super truc”. Dans le sud de la France, c’est assez rare les projets locaux. J’ai travaillé un peu pour la Méridionale, les bateaux qui vont vers la Corse, pour Paloma, une salle de concert à Nîmes. Comme j’ai toujours communiqué en anglais, j’ai beaucoup de clients internationaux, de plus en plus de clients nationaux mais les clients locaux pas tant que ça. Je n’en cherche pas forcément car les budgets sont souvent plus restreints mais en même temps, en arrivant à Marseille et en voyant qu’il y a un embryon de culture visuelle qui n’est pas très développé, cela donne envie d’explorer tout ça et d’y contribuer. Quand je vois que la Mairie de Marseille utilise du Adobe Stock pour ses affiches alors qu’il y a des illustrateurs de ouf à Marseille c’est dommage. C’est en train de se développer. Il y a des galeries qui s’ouvrent, des illustrateurs en réseau qui montent des ateliers. Il y a moyen de faire des choses mais ce serait bien que les entreprises et les politiques publiques prennent le sujet en main.

Est-on obligé de passer par Paris pour travailler dans l’illustration ? 

Je n’ai pas eu de réseau parisien quand j’étais à Paris. Mes clients m’ont trouvé en ligne via mes réseaux Behance, Tumblr, Instagram. J’ai toujours travaillé par email. C’est pratique d’être à Paris quand tu travailles dans l’édition ou dans les magazines car ils aiment bien venir te voir. Je n’ai jamais eu de problème pour travailler à distance. Après, il y a le réseau des artistes, galeries, librairies, mais il faut être dans cet esprit là pour les rencontrer. Je ne sortais pas trop quand j’étais à Paris. Je ne suis pas un ours mais je n’ai pas trop développé ça. Je trouvais ça fatiguant d’essayer d’appartenir à quelque chose. J’ai toutefois rencontré des personnes très cools comme Jérémie Clayes @jeremieclaeys, Delphine Dussoubs @dalkhafine, Aurélien Jeanney @aurelienjeanney et d’autres. On s’est tous rencontrés un peu en même temps en commençant des carrières dans l’illustration à peu près au même moment. Il y a Marie-Laure Cruschi @cruschiform qui monte le festival Nîmes S’illustre @nimes.sillustre cette année. C’est une bonne pote et on partage beaucoup de choses. C’est de la balle le festival à Nîmes. Je suis gardois à l’origine. Nîmes c’est là où j’allais boire des coups avec les copains. Malheureusement je ne pourrai pas être au lancement cette année. J’espère que ça va être une réussite et que ça va continuer. J’ai hâte du lancement du festival et de voir la réaction des gens. On manque d’événements liés à l’illustration en France, hors illustration jeunesse. Je n’en reviens pas que l’on n’ait pas de syndicat ou d’association qui représente les illustrateurs commerciaux ou généraux. On a la charte des illustrateurs jeunesse mais il n’y a pas d’équivalent de l’Association of Illustrators en Angleterre ou la Society of Illustrators aux Etats-Unis, qui font des concours, de la promo pour l’illustration dans l’espace public. On manque aussi de festivals d’illustration. En France, il n’y a rien du tout. Il y a les puces de l’illustration à Paris une fois par an et à part ça, je ne connais pas d’événement dédié. L’illustration c’est un métier qui est mal compris en France. Quand tu dis “je suis illustrateur” en France on te dit “quoi, t’es graphiste ?”, “non, je suis illustrateur”, “ah, tu fais de la BD alors ?”, “non, je suis illustrateur”. J’ai habité un an à Londres. Là-bas, il y a un recours plus immédiat à l’illustration. Dans les années 50, Londres a fait des choix graphiques fort assez tôt en faisant appel à des graphistes qui étaient aussi illustrateur comme cela se faisait beaucoup à l’époque. C’est une culture qui manque en France, où l’illustration est directement associée à la jeunesse.

Où est-ce que tu as appris à dessiner ? Quelles sont les personnes qui ont compté pour toi, qui t’ont donné l’envie et les bons conseils ? 

Mon regain d’intérêt pour le dessin est venu avec les blogs BD. Ils dépoussiéraient l’image du dessin et cela m’a donné envie de dessiner. C’était très mauvais ce que je faisais. Un peu plus tard, il y a eu des gars comme Scott C, qui fait des petites scènes en reprenant des scènes de film avec des personnages simplifiés dans son ouvrage Amazing Everything. Durant mes études de 3D, je suis allé faire un stage à Londres dans un studio qui faisait de la pub. J’y ai retrouvé des anciens de mon école dont McBess qui motivait ses amis de l’anim. On organisait des concours et tout le monde se bougeait. Il disait “Ne vous lancez pas dans l’illustration, c’est la galère” mais moi ça m’avait plutôt bien motivé. Après il y a eu les grosses influences des illustrateurs des années 50, Miroslav Sasek, Mary Blair. Ils m’ont beaucoup influencé dans la simplification des formes, le traitement des couleurs. Et puis, il y a des influences tous les jours avec les réseaux sociaux. J’essaie de ne pas trop les regarder.

« Pendant le premier confinement, je me suis coupé des réseaux sociaux pendant quelques semaines. Je ne regardais que mes messages et je dessinais sans me comparer aux autres. »

Benjamin Flouw exprime son ressenti face à l’omniprésence des réseaux sociaux

Est-ce que tu vois les réseaux sociaux et l’influence permanente du travail des autres comme une difficulté dans le travail artistique ?

Ça peut être nocif. Au lieu d’avoir une vision claire de ce que l’on fait, on se focalise sur ce que les autres font et ce que l’on devrait faire pour être comme eux. Quand je passe du temps sur les réseaux sociaux je me dis “Ah, mais c’est ça que je devrais faire…”, “Ah mais non c’est ça…”. C’est une erreur, je me perds complètement. C’est bien de s’informer, de savoir où en est le marché, le désir des clients. Ce n’est pas qu’une démarche artistique. On parle à des clients commerciaux qui ont des besoins. Il est important de voir ce qu’il se fait, ce qui marche, les gens qui excellent, ce qui ne marche pas. Mais la boulimie d’image que je peux avoir par période est nocive. Pendant le premier confinement, je me suis coupé des réseaux sociaux pendant quelques semaines. Je ne regardais que mes messages et je dessinais sans me comparer aux autres. Sur le moment, je n’ai pas trouvé ces dessins dingues. Et avec le temps, je me rends compte que ce sont des travaux auxquels je reviens souvent, pour les palettes de couleur, pour chercher des compositions.

Quels sont les artistes actuels qui t’inspirent ? 

À un moment, j’avais envie d’aller quelque part avec mon style et je suis tombé sur le travail de Marie-Laure Cruschi et c’était exactement là où je voulais aller et je me suis retrouvé un peu bloqué. Je me suis dit “purée, j’adore mais je ne peux pas aller là, il y a déjà quelqu’un”. On s’est rencontrés et on en a parlé depuis. C’était assez drôle. C’était une sorte de croisement. Elle venait de quelque chose de très graphique, abstrait et elle allait vers quelque chose de plus dessiné. Et moi au contraire, je venais de quelque chose de plus dessiné et j’allais vers quelque chose de plus abstrait. Nos chemins se sont croisés à un moment où on allait faire quasiment la même chose. Ça a été une source d’inspiration et je m’en suis démarqué. Je pense aussi à Julia Sarda et à ses images très fouillées, très chics dans son livre “Le Talisman du loup”. J’aime aussi le dessin de Jon McNaught et ses palettes de couleurs limitées et ses ambiances dingues. Je regarde aussi le travail de Malika Favre pour l’élégance et la précision de son travail ou Olimpia Zagnoli, une illustratrice italienne. J’aime les styles qui sont un peu clivants, qui ne s’adressent pas à tout le monde. Il y a des bons artistes Marseillais aussi.

Vecteur ou pixel ? 

Je ne dessine que sur Photoshop. Je ne fais pas de vecteur. C’est Photoshop avec l’outil plume ou les pinceaux. Je vais de plus en plus vers des outils moins précis. Je viens de la 3D où on contrôle tout. Au départ j’avais besoin de contrôler beaucoup en trichant avec des textures, des brushs pour apporter de l’irrégularité, des effets de grain. J’essaie de m’en détacher pour faire un dessin plus naturel, à main levée. Je fais davantage d’étapes de dessin préparatoire sur carnet de croquis plutôt que de refaire 15 fois des corrections numériques. J’essaie de me libérer des outils pour aller vers quelque chose de plus vivant. Je pense à Owen Davey, dont mon travail se rapproche aussi. Il est plutôt sur un style très vectorisé. Je veux au contraire sortir des formes parfaites. Il faut que la forme soit géométrique mais pas les détails. 

Maison ou bureau ? 

Je travaille chez moi. J’ai de jeunes enfants et c’est plus pratique. On a acheté une maison et il y a un petit coin qui convient bien et m’évite de louer un bureau. Je ne ressens pas vraiment le besoin de travailler avec les autres. Dans l’anim, j’étais en open space et ça me gonflait que quelqu’un vienne derrière moi pour voir ce que je faisais. Filament, j’ai un côté un peu ours (rire). Je réfléchis tout de même à prendre un espace en dehors pour séparer vie personnelle et vie professionnelle. C’est un gagne temps énorme d’être chez soi et de ne pas avoir de transport. Cela demande une certaine discipline. Avant la pandémie du COVID, beaucoup disaient qu’ils n’y arriveraient pas. Je serais curieux de savoir ce qu’il en est maintenant. En me disciplinant avec des horaires, en ne touchant pas à la vaisselle sur le temps de travail, c’est possible. Cela peut être intéressant de travailler avec des personnes d’autres disciplines. C’est l’occasion de s’aider et de partager ses talents avec les autres. 

Que conseillerais-tu à un jeune illustrateur ? 

  1. Ce que l’on a évoqué sur les réseaux sociaux. Ne pas trop se comparer. 
  2. Faire attention à son modèle économique. C’est un métier. Ce n’est pas qu’une passion. Il faut savoir ses sources de revenu, ce qui rapporte de l’argent, ce qui n’en rapporte pas et tout équilibrer. Je ne pourrais pas faire ce que je fais si je n’avais pas du boulot en anim qui me rapporte un peu d’argent et qui me permet de m’amuser. 
  3. Être très prudent et mettre de l’argent de côté. C’est un métier qui est très instable. 
  4. Côté artistique, il faut expérimenter, expérimenter, expérimenter… tout le temps. 
  5. Faire des projets persos appliqués. Cela ne sert à rien de faire un dessin pour faire un dessin, ça ne parle pas à grand monde. Mais si c’est un dessin appliqué pour une série de prints, une étiquette de la bière d’un pote, pour illustrer une céramique, ça a plus d’impact. Cela permet d’élargir le champ des possibles et apporter des projets auxquels on n’avait pas pensé. On est illustrateur et pas artiste. Si tu fais de l’illustration, tu viens accompagner quelque chose, une démarche commerciale, une histoire. Quand tu es artiste, tu crées une œuvre d’art et tu essaies d’avoir un propos. C’est important d’être au clair sur ce que l’on fait. On ne vend pas de la même manière. On ne démarche pas une galerie avec des illustrations commerciales. C’est vrai aussi dans l’autre sens. Les clients ont besoin qu’on leur tienne la main en leur montrant les champs d’applications de nos illustrations. 
  6. Je conseille le statut MDA (Maison des artistes), ça reste fiscalement le statut le plus intéressant qui existe tout confondu.

En attendant de découvrir la suite de son travail, vous pouvez faire un tour sur son site ou le suivre sur instagram @benjaminflouw.


Ses inspirations

Lou Romano, Mary Blair, Scott Wills, McBess , Scott C, Jon McNaught, Miroslav Sasek, Charley Harper, Alexander Girard, Neil Fujita, Tom Eckersley, Bernie Fuchs, le couple Provensen, Adrian Tomine, Keith Neygley, Andrea Serio, Geoff McFetridge


Ses outils

Des carnets de croquis pour préparer les dessins, travail sur photoshop avec une recherche d’un dessin à main levée en s’appuyant de moins en moins sur les outils.


Où le retrouver ?

Son site | benjaminflouw.com
Insta | @benjaminflouw

Je suis Aloïs Marignane, artiste illustrateur français. Je suis heureux de partager avec vous cet échange avec un(e) autre artiste.

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